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Intervention dans le cadre de la discussion relative à la déclaration de politique générale 2012-13

Ci-après mon intervention du 16 octobre 2012:

Voici tout juste un an, nous étions au lendemain de la conclusion d’un accord historique sur la sixième réforme de l’État.

Et, parlant de la Cocom, nous mettions tous en évidence le fait que le transfert des compétences allait transformer ce petit Poucet censé disparaître en un colosse. Un an après, nous mesurons mieux encore le défi que cela représente pour notre institution et l’ampleur des enjeux sociaux pour les habitants et les habitantes de notre Région.

Outre le dossier des allocations familiales, la réforme institutionnelle transférera un nombre impressionnant de compétences en matière de santé : la prise en charge des personnes âgées et du vieillissement (soins à domicile, MR, MRS), le soutien à la première ligne et les secteurs conventionnés avec l’Inami viendront compléter les compétences actuelles.

Certes, ces transferts exigent des renforcements administratifs, mais ils nécessitent aussi une mise en cohérence. Ils offrent l’occasion de développer un projet de politique de santé global et transversal sur le territoire régional, comme indiqué d’ailleurs dans notre accord de majorité. Nous souhaitons que l’on ne rate pas cette opportunité.

Vous nous avez indiqué ce matin que trois groupes de travail se sont réunis pour établir un état des lieux des compétences transférées à la Cocom, ainsi que les interrogations que suscitent ces transferts. Quel agenda le Collège réuni s’est-il fixé pour être prêt à accueillir ces nouvelles compétences ? Quand notre assemblée pourra-telle prendre connaissance de cet état des lieux ?

Comment avez-vous prévu d’associer notre assemblée à la réflexion sur les orientations politiques qui seront à prendre ?

Nous ne pourrons pas faire, comme vous le remarquiez ce matin, Monsieur le ministre-président, « l’économie d’une véritable réorganisation de l’institution et de son administration ». Le paragraphe que vous avez consacré à cette problématique nous semble aussi mince que le défi est gros, mais le ton de votre discours montre en tout cas que ce n’est pas de la légèreté dans votre chef.

Où en sont les contacts pris avec les administrations fédérales qui gèrent actuellement les matières concernées par les transferts ?

Comment nous appuyons-nous sur l’expertise des fonctionnaires fédéraux ? Par ailleurs, le plan de modernisation de l’administration ne semble pas avancer à grands pas. Qu’en est-il de la mission du manager intérimaire dont on nous parlait lors des travaux budgétaires l’an dernier ? Celle-ci a-t-elle abouti à des conclusions ? Si oui, lesquelles ? La recherche de la fameuse maison du bico a-t-elle avancé ?

Je souhaite également revenir sur la révision en profondeur de l’ordonnance de 2002 sur les services de l’aide aux personnes. Cette nouvelle ordonnance devait englober non seulement l’aide à domicile, mais aussi tout le secteur de l’aide aux personnes en CCC, en intégrant les principes d’inclusion, en actualisant et en modernisant les structures existantes et en développant une démarche de qualité.

Il s’agit d’un chantier ambitieux, pour lequel les conseils consultatifs des différents secteurs ont été consultés. Or, il y a nulle trace aujourd’hui de la révision de cette ordonnance dans votre déclaration de politique générale. Tout au plus y trouve-t-on quelques lignes sur la nécessité de prévoir une simplification administrative et une modernisation concernant l’octroi des subsides à la construction et à la rénovation d’infrastructures dédiées aux personnes handicapées, et un travail très cosmétique sur le vocabulaire employé. Cela nous semble léger.

Alors que nous entamons l’avant-dernière année de cette législature, peut-on encore espérer voir arriver sur les bancs de cette assemblée ce projet d’ordonnance annoncé à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle ?

Vous avez évoqué également la problématique des structures d’hébergement non agréées (SHNA), où toutes les dérives sont actuellement possibles.

Vous annoncez « une réflexion à mener sur l’adoption d’un accord de coopération entre toutes les entités bruxelloises dont l’objectif serait de lutter contre la multiplication de ces structures ».

Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais il ne s’agit là que d’un minimum.

Je me ferai insistante : les travaux entamés pour la révision de l’ordonnance sur l’aide aux personnes dont je vous entretenais plus haut étaient plus ambitieux que cela. Il y était notamment question de la nécessité d’un agrément et d’une inspection de ces structures d’hébergement. Nous osons espérer que le Collège n’a pas revu ses ambitions à la baisse et à entendre votre indignation ce matin à l’évocation de ce qui se passe dans les institutions, je ne doute pas que vous veillerez au grain.

Sur un plan plus global, vous nous aviez annoncé voici deux ans l’instauration d’un test d’impact sur la pauvreté, qui serait commun aux quatre gouvernements et qui devrait être appliqué pour chaque décision politique importante. Sans doute le travail est-il extrêmement complexe au-delà de cette idée sympathique, dont la concrétisation ne doit pas être un jeu d’enfants. Toutefois, pourriez-vous nous dire quel est le calendrier d’adoption de

ce test d’impact sur la pauvreté par les membres du Collège réuni dans chacune de leurs politiques ?

Concernant le dispositif hivernal destiné aux sans- abri, nous apprécions que les revendications bruxelloises et les pressions exercées par nos ministres aient fini par être entendus par le niveau fédéral, qui a annoncé dès à présent l’ouverture de 300 places supplémentaires. L’acquisition d’un bâtiment par le CPAS de la commune de Bruxelles-Ville permet en outre de mieux anticiper et d’affronter le prochain hiver dans de meilleures conditions, fort des recommandations des différentes organisations qui ont procédé à l’évaluation contradictoire du dispositif de l’année dernière.

Je me réjouis également d’entendre que nous ne perdons pas l’espoir de voir venir encore sous cette législature la création de ce que je nommerais le monstre du Loch Ness : le Service public d’urgence sociale, constitué sous la forme d’un chapitre XII. La balle sera désormais dans le camp des nouveaux présidents de CPAS.

Nous saluons aussi l’annonce d’un plan stratégique pour le secteur de l’aide sociale aux justiciables.

Cependant, nous rappelons aussi ici la demande insistante de ce secteur de se voir inclus dans la fameuse ordonnance sur l’aide aux personnes.

Toujours concernant l’aide aux justiciables, nous ne pouvons revivre la situation vécue en 2012 où, pendant près de six mois, les services n’ont pu assurer leur travail de formation et

d’accompagnement des détenus en raison des mouvements du personnel des prisons dénonçant, à juste titre, la surpopulation des prisons et les conditions de travail des gardiens. Malgré plusieurs interpellations par les ministres compétentes de notre Collège réuni, la ministre fédérale n’a pu régler rapidement la situation. Il est impensable de devoir revivre l’année prochaine cette situation fortement dommageable, tant pour les détenus que pour les travailleurs des associations.

Nous insistons enfin pour que la future prison de Haren intègre les besoins en termes d’infrastructures et de locaux pour les services d’aide aux justiciables. Il en va d’une bonne réinsertion des détenus dans la société et d’une question plus globale de sécurité.

Je ne peux ici m’empêcher de dénoncer le scandale que constitue à l’heure actuelle la situation, notamment en matière de santé, de nos prisons bruxelloises. Je ne l’ignore pas : la santé dans les prisons relève du niveau fédéral et du ministère de la Justice. Elle a néanmoins un impact direct sur l’accompagnement global que doit apporter l’aide sociale aux justiciables.

Nous ne sommes pas loin, aujourd’hui, de devoir envoyer une mission humanitaire de Médecins du monde dans nos prisons, comme ce fut le cas pour les sans-papiers l’année dernière. Il serait utile d’interpeller les ministres concernés au niveau fédéral à propose de cette situation.

Concernant les personnes handicapées, la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées a percolé dans la déclaration de politique générale fondatrice de cette législature, dans laquelle le Collège réuni réaffirme explicitement l’égalité des droits pour tous les citoyens – et en particulier pour ceux qui ont à vivre un handicap de quelque nature que ce soit -, ainsi que l’obligation de mettre ces droits réellement en oeuvre.

En cela, l’inclusion touche tous les ministres. Cela étant, cette vision de l’inclusion ne peut nous exonérer de la nécessité de mettre en place des services spécifiques et des structures d’accueil, d’aide et d’accompagnement des personnes handicapées et ce, en suffisance.

Je voudrais insister sur la nécessité de penser les transferts de compétences avec le souci de répondre aux difficultés des personnes handicapées et de leurs proches, souvent rappelées à cette tribune. Je voudrais surtout savoir comment tous les ministres s’inscriront dans cette démarche.

Cela revient à se demander si, par exemple, les institutions de psychiatrie jouent pleinement leur rôle dans le cas de personnes souffrant de handicap et de maladie mentale ou si les travailleurs sociaux et sanitaires recevront la formation adéquate afin d’appréhender au mieux l’aide ou les soins à la personne handicapée.

Je souhaite poursuivre dans la foulée sur la thématique de la santé, longuement abordée cette année dans la déclaration de politique générale.

Vous nous y annoncez l’intégration de l’asbl Bruxelles, ville-Région en santé au sein de l’Observatoire de la santé et du social. Nous apprécions cette décision, qui devrait permettre de recentrer les missions de ce projet et d’en faire un outil au service d’une politique régionale de santé qui articule à la fois prévention, promotion et soins, en intégrant l’ensemble des déterminants de santé. Nous nous interrogeons toutefois sur le devenir du comité de pilotage interministériel et du comité d’accompagnement scientifique large qui entourent ce projet.

Comme vous l’avez rappelé, notre accord de majorité attache une attention particulière au rôle des déterminants de la santé, ainsi qu’à la lutte contre les inégalités de santé. Vous l’avez souligné également : la santé n’est pas qu’une absence de maladie et si nous voulons que la qualité de vie de l’ensemble des Bruxelloises et Bruxellois s’améliore, il est nécessaire d’impliquer l’ensemble des acteurs, qu’ils soient politiques, professionnels de la santé ou habitants, indépendamment des structures institutionnelles de notre Région.

Les membres du Collège réuni ne doivent pas souffrir de schizophrénie et oublier leurs responsabilités communautaires une fois leur casquette régionale enfilée. C’est pourquoi, nous souhaitons vivement que la santé soit intégrée de manière transversale dans le futur texte structurant de notre Région, le Plan régional de développement durable (PRDD).

Vous nous avez également fait part de la prochaine adoption d’un arrêté relatif à la procédure d’octroi des subsides pour les infrastructures hospitalières.

Notre accord de majorité annonçait en effet la modification de cette réglementation, en insistant sur la fixation de critères objectifs permettant la répartition équitable des moyens entre le secteur privé et le secteur public. Nous entendons que ces critères tiennent compte des efforts des uns et des autres dans l’accueil des différents publics de notre Région.

Concernant les personnes âgées, les mesures décrites vont dans le bon sens et sont conformes à l’accord de majorité. Je ferai juste une petite incise au sujet du budget supplémentaire pour les unités de vie pour les personnes âgées désorientées. Il s’agit d’une mesure indispensable qui ne doit pas nous faire oublier de soutenir aussi les structures alternatives plus légères, telles que les cafés Alzheimer ou le baluchonnage, un service à domicile inventé au Québec, qui permet à l’aidant de prendre quelques jours de vacances en sachant son proche en sécurité et entouré à son domicile.

J’aborderai enfin un secteur qui, vous le savez, me tient particulièrement à coeur : les CPAS. Vous y avez fait allusion hier à propos des finances communales. Mme Anne-Sylvie Mouzon l’a dit également : vous auriez pu en parler en marge de tout le chapitre consacré à l’emploi et à la formation. Vous avez mis le focus sur le fait que les dotations des communes aux CPAS allaient en augmentant pour atteindre en 2012 un montant de 270 millions d’euros pour l’ensemble de nos communes.

Il s’agit d’un montant élevé et interpellant, nous sommes bien d’accord avec vous. Il ne va cependant pas aller en diminuant, vu la politique d’austérité de notre gouvernement fédéral, notamment en matière de chômage ou de pensions.

En effet, tout comme pour les chômeurs sanctionnés, l’allongement du stage d’insertion et la dégressivité renforcée des allocations de chômage sont autant de charges supplémentaires, en termes financiers et de travail, qui pèsent sur les CPAS et donc, in fine, sur les communes. Ce ne sont pas les draps blancs arborés aux fenêtres à la demande de la secrétaire d’État à la pauvreté dans le cadre de la journée de lutte contre la pauvreté qui y changeront quoi que ce soit.

Monsieur le président du Collège réuni, si vous ne voulez pas donc voir la dotation aux CPAS encore augmenter l’année prochaine, il est urgent d’y sensibiliser vos collègues et camarades du niveau fédéral. J’ai entendu avec grand plaisir l’intervention de Mme Viviane Teitelbaum, qui mettait l’accent sur la situation des femmes. Je compte donc sur elle pour expliquer tout cela à M. Reynders.

Vous n’avez pas abordé hier le chapitre de votre déclaration consacré à l’égalité des chances. Je vous y ramène donc pour insister sur le fait que tous les efforts que nous faisons réellement dans la Région en matière d’égalité entre hommes et femmes sont anéantis par une série de mesures prises ou non – c’est selon -, au niveau fédéral.

« L’homme pauvre de Bruxelles est une femme », pour paraphraser le titre d’une étude des CPAS wallons. Cette femme est chômeuse dans une famille monoparentale. Cette femme et ses enfants risquent fort d’être plus précarisés encore demain.

Cette insécurité, je ne la croise pas seulement en période de campagne électorale.

Enfin, je terminerai par une note qui devrait vous faire plaisir, puisque je reprendrai l’une de vos formules : « Ceux qui privilégieraient exclusivement une approche locale se condamnent

à l’impuissance ». Voilà qui peut aussi s’appliquer à nos CPAS.

Je suis convaincue que les CPAS peuvent et doivent, avec le soutien du Collège réuni, tenter de se mettre d’accord sur des lignes de conduite communes financièrement soutenables, sur des procédures de travail communes qui évitent des ruptures de charge pour les usagers qui changent de commune, avec des périodes de transition sans ressources et l’interruption de projets d’insertion et de formation entamés.

L’existence de dix-neuf CPAS peut représenter un atout plutôt qu’un handicap si chacun d’entre eux s’appuye sur une connaissance fine de sa commune et de ses ressources pour construire une politique sociale cohérente et concertée avec la commune et les associations. Cette politique doit absolument s’inscrire dans les projets régionaux, par exemple en matière de logement, d’emploi et d’énergie.

Les CPAS ne peuvent, pas plus que les communes, se contenter d’une approche locale. Le Collège réuni devrait pouvoir soutenir et stimuler les CPAS en ce sens, à l’instar de ce que la Région voudrait faire à l’égard des communes.

Vous l’avez dit ce matin, l’année 2013 sera chargée. Le groupe Ecolo prendra volontiers sa part de travail, non sans vigilance.

(La discussion complète se trouve: http://www.weblex.irisnet.be/data/arccc/cri/2012-13/00002/IMAGES.pdf)