Interpellation concernant « l’évaluation du dispositif hivernal sans-abri 2012-2013 et la préparation du dispositif hivernal 2013-2014 »

Interpellation faite en Commission Affaires Sociales du 10/07/2013

À MME BRIGITTE GROUWELS, MEMBRE DU COLLÈGE RÉUNI, COMPÉTENTE POUR LA POLITIQUE D’AIDE AUX PERSONNES ET LA FONCTION PUBLIQUE,

ET À MME EVELYNE HUYTEBROECK, MEMBRE DU COLLÈGE RÉUNI, COMPÉTENTE POUR LA POLITIQUE D’AIDE AUX PERSONNES, LES FINANCES, LE BUDGET ET LES RELATIONS EXTÉRIEURES,

Au fil des dernières années, le dispositif hivernal se prépare mieux et se déroule de plus en plus efficacement, en termes de mise à l’abri. Le coût financier qui y est lié est énorme et il ne nous est pas vraiment possible de mesurer le rôle de ce dispositif dans la sortie du sans-abrisme. Chaque année, nous assistons en outre à une augmentation de la demande de lits d’urgence.

Vous le notiez en réponse à mon interpellation du 20 mars, nous ne connaissons le profil des usagers que très partiellement. Nous ne connaissons en outre pas précisément les raisons qui les ont menés à la rue et nous ne savons pas ce qu’ils deviennent après leur passage dans le dispositif hivernal, qu’il s’agisse de celui financé par le niveau fédéral ou par la Cocom.

Connaître le profil des personnes mises à l’abri durant les nuits hivernales, comprendre pourquoi elles sont sans-abri, sans-droits et depuis combien de temps, savoir où elles sont abritées le restant de l’année, etc. nous permettrait non seulement de mieux préparer le dispositif hivernal, mais surtout de pouvoir prendre des initiatives pour sortir d’une politique au thermomètre et prévenir le sans-abrisme.

Les deux conventions relatives au dispositif hivernal 2012-2013 que le SAMU social a conclues, d’une part avec le gouvernement fédéral et d’autre part avec le Collège réuni, prévoyaient que certaines données concernant les utilisateurs soient enregistrées.

Le SAMU social a publié son rapport sur le dispositif hivernal. Nous nous réjouissons du fait que celui-ci porte, comme vous l’aviez souhaité, sur l’ensemble de son activité : dispositif permanent, dispositif financé par la Région et Plan humanitaire fédéral y sont ainsi abordés.

De leur côté, le projet pilote Hiver 86.400 et Médecins du monde (MDM) ont également présenté chacun leur rapport sur leur travail dans le cadre de ce dispositif hivernal.

Avez-vous pu analyser l’ensemble de ces données, ainsi que les propositions et recommandations émises dans ces différents rapports, l’instar de celui réalisé sans doute par La Strada ? Une réflexion partagée a-t-elle déjà été organisée avec l’ensemble des protagonistes du dispositif ? La question controversée de la gratuité a-t-elle été mise en débat ?

Des pistes de travail ont-elles été dégagées afin de permettre de rencontrer ce qui me semble être notre objectif commun : placer l’accueil hivernal dans une perspective de prévention et de travail de réhabilitation sociale sur le long terme des personnes sans-abri ? Ceci implique de répartir les tâches en fonction de l’expertise et des compétences de chacun, et d’inscrire le dispositif hivernal dans une stratégie régionale de mise à l’abri toute l’année.

Les données quantitatives et qualitatives présentées dans ces différents rapports, ainsi que leurs auteurs, méritent que l’on s’y attarde. Vu l’intérêt du travail, je trouverais dommage de le traiter comme un rapport purement administratif. Je tiens donc à en souligner quelques aspects.

S’agissant du rapport du SAMU social, plus de la moitié du public accueilli – soit environ 3.000 personnes -est en situation « d’urgence ponctuelle » ne nécessitant pas un hébergement de plus de cinq jours. À l’autre extrême, 9% de ce public – soit 367 personnes – a passé au moins une nuit sur deux dans un des centres du SAMU social. Autrement dit, 9% du public accueilli absorbe près de la moitié des nuits offertes.

À première vue, il s’agit de problèmes très différents, qui appellent des solutions et des traitements très différents. Des situations d’urgence ponctuelle comme une clé perdue ou un train manqué ne se traitent pas de la même façon que des problèmes psychiatriques lourds.

Autre constat : plus de 44% des personnes hébergées n’ont aucun revenu. On peut en déduire qu’elles doivent éprouver des difficultés à payer un loyer. En outre, 26% des personnes hébergées bénéficient d’un revenu d’intégration sociale ou d’une aide sociale équivalente.

Cette indication est extrêmement importante pour la réalisation d’un travail tout au long de l’année avec les CPAS. En effet, dans la mesure où ces personnes ont gardé un contact avec une institution dans laquelle se trouvent des travailleurs sociaux, elles ne sont pas complètement désaffiliées et un travail de prévention est envisageable.

Autre constat : 59% des personnes hébergées sont Belges ou ont un document de séjour, précaire pour une partie d’entre elles. Cela signifie aussi que 41% n’ont pas de titre de séjour. Elles n’ont donc pas la possibilité de travailler et n’ont ni revenus, ni soins.

Dernier constat : quand on demande aux personnes quel était leur hébergement officiel avant d’aboutir au SAMU social, il appert que 19% venaient de l’étranger. On peut donc se demander si l’ouverture du SAMU social attire des personnes à Bruxelles. Plus de 16% vivaient en cohabitation. Est-ce à dire que, parce que des lits d’urgence s’ouvrent, des solidarités se cassent ? Enfin, 12% vivaient dans un logement. On peut donc aussi se demander s’il y a des expulsions à la veille de l’hiver.

Je retiens du rapport du projet Hiver 86.400 que les démarches et la recherche d’un logement, qui se font le jour, permettent de retrouver des droits et apportent des solutions durables. L’accompagnement de jour est peut-être peu spectaculaire, mais devrait se faire tout au long de l’année et être maintenu en période d’hiver.

Il ressort du rapport de Médecins du monde que sur les 1.650 personnes sans-abri reçues en consultation,

30% ont été confrontées à un refus de soins dans l’année qui précède et 60% n’ont aucune couverture sociale.

Médecins du monde insiste sur le fait qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir l’aide médicale urgente.

Même dans un hôpital comme Saint-Pierre, qui est l’hôpital de la Région qui joue le rôle le plus important en la matière, il commence à être difficile d’être soigné.

Une concertation avec le niveau fédéral est nécessaire, non seulement à propos du dispositif hivernal, mais aussi d’un dispositif global et cohérent tout au long de l’année. L’accès aux soins a été mis à mal par les décisions fédérales, qui ont fortement limité le droit aux soins urgents depuis février 2012. Un certain nombre d’Européens n’ont, depuis cette date, droit à aucune aide, même pas en soins urgents.

Le dernier rapport de Médecins du monde à ce sujet, à propos des Roms, est affolant et devrait inquiéter même ceux qui ne sont pas animés de sentiments humanitaires. Lorsqu’il n’y a pas de couverture vaccinale et que l’on ne contrôle pas la tuberculose en raison de ruptures de soins – y compris à cause d’expulsions -, un problème de santé publique met toute la population en danger.

Les dernières mesures du gouvernement fédéral à l’égard des familles en séjour irrégulier, qui jusqu’à présent pouvaient être accueillies dans des centres de Fedasil, ne vont pas arranger les choses. Elles devraient même conduire plus de familles à la rue. Depuis peu, les CPAS ont été informés que dorénavant, les familles avec enfant(s) en séjour illégal demandant l’aide sociale du CPAS se verraient, comme avant, répondre que l’aide sociale serait fournie dans les centres Fedasil, sous forme d’aide matérielle : logement, couvert, etc.

Cependant, ces familles ne seront dorénavant plus accueillies que dans un seul centre ouvert, près de

Louvain. Elles auront ensuite un mois pour rentrer chez elles, volontairement ou non. On se doute qu’elles ne se rendront pas dans ce centre et qu’elles auront donc besoin d’un dispositif d’urgence en hiver. Ce n’est pas de cette façon que l’on réglera le problème !

Au registre des concertations nécessaires avec le pouvoir fédéral figurent la question de la stratégie nationale d’intégration des Roms, ainsi que la question du taux cohabitants, qui met à mal les projets d’habitats solidaires.

Vous nous avez annoncé la création d’un groupe de travail sur le sans-abrisme au sein du groupe

intercabinets permanent de lutte contre la pauvreté. Ce groupe de travail a été chargé d’élaborer une note de politique générale relative à l’aide aux sans-abri, qui doit comprendre les compétences fédérales, mais aussi régionales et communautaires.

Nous savons qu’un projet est prêt à démarrer à Bruxelles. Il s’agit du projet Housing first porté par l’asbl Santé mentale et exclusion sociale (SMES) et onze autres partenaires. Il permettra, dès l’automne prochain, l’accueil d’un certain nombre de personnes dans des logements mis à disposition par le Foyer schaerbeekois.

Ces personnes ont des problèmes psychiatriques importants et ne devront donc pas être hébergées par le SAMU social.

Pouvez-vous nous indiquer la méthode de travail et l’agenda du groupe de travail fédéral ?

L’année dernière, le pouvoir fédéral a contribué de manière positive au plan régional. Pouvez-vous nous indiquer où en sont les concertations avec le pouvoir fédéral pour l’hiver prochain ?

En ayant lancé, dès le mois d’août dernier, un appel à projets auprès des différents services de l’aide aux sansabri pour 2013-2014, vous avez mis l’accent sur les collaborations entre les différents services et secteurs pour optimiser le dispositif hivernal. Quel est le résultat de cet appel à projets ?

Quel est votre programme de travail pour la mise sur pied du dispositif hivernal global 2013-2014 ? La signature de conventions, qui permettraient aux partenaires d’organiser dès à présent leur travail sur base d’objectifs partagés, est-elle déjà programmée ?

Pour terminer, l’un des constats partagés par tous les travailleurs du secteur concerne l’augmentation du nombre de femmes et d’enfants sans-abri et la nécessité de leur trouver rapidement un accueil adapté, en maison d’accueil ou en habitat accompagné. Avez-vous déjà examiné la possibilité de soutenir très rapidement un projet de ce type, qui diminuerait la charge de travail du dispositif hivernal en proposant, dès à présent, une réponse durable ?

Réponse de la Ministre: http://www.weblex.irisnet.be/data/arccc/biq/2012-13/00020/images.pdf

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